Mais c’était une vue de l’esprit bien sûr. Rien qu’une plaisanterie.
La retraite, la soixantaine, c’était pour nos parents, nos aînés, les autres. Pas pour nous.
Nous, nous en étions si loin. Nous étions jeunes et pleins d’énergie. Accros à nos ambitions, nos jobs, nos carrières, notre vision de nous-mêmes et du monde, nos responsabilités, notre statut, notre mission, notre rémunération, nos aspirations à une vie pleine et riche d’aventures. La retraite ? Un horizon lointain. Juste une aspiration les jours de fatigue. En rigolant et comme pour conjurer le sort nous disions “si ça se trouve, on n’y arrivera même pas” ou bien “il n’y aura personne pour nous la payer”. Puis on se secouait, on reprenait le collier et on se remettait au boulot avec la certitude d’être à notre place. Dynamiques. Actifs. Utiles.
Pourtant le temps passe
Et un jour, on y est. C’est l’heure, le moment.
Jai 62 ans et je suis à la retraite. Plus personne ne pourra écrire ou dire cela à l’avenir.
La retraite est à nouveau un sujet d’actualité brûlant qui mobilise des milliers de gens dans la rue ce jeudi. Près de la moitié des 55 ans et plus ont déjà quitté le marché du travail alors repousser l’âge légal du départ à la retraite ? Comment feront les nouveaux seniors pour faire deux ans de plus quand les entreprises ne veulent plus d’eux ?
Travailler plus longtemps, soit, mais pour quel projet de société ?
Celle dont l’activité industrielle et économique détruit la planète ? Celle des délocalisations massives et de la fuite des cerveaux ? La société de la crise climatique, énergétique et alimentaire ? Celle des profits toujours plus élevés et des pauvres toujours plus pauvres ? Le pays des populismes, des extrémismes et des nationalismes grandissants ? La société du travail comme valeur suprême et indépassable, sans autre objectif que produire toujours plus ? Celle où les femmes, quoi qu’il arrive, sont toujours les grandes perdantes ? Une société qui se délite, part en sucette, détruit le système qu’elle a patiemment élaboré avec la fin des écoles, des universités, des hôpitaux, des transports performants, des institutions solides, des contre-pouvoirs efficaces, des services publics garants de l’égalité et de la progression sociale de chacun ? La société de la pensée unique, de la langue de bois et du mensonge droit dans les yeux ? Une société qui restreint les droits de ses citoyens, les musèle, grignote peu à peu leurs libertés individuelles et réprime ses opposants ?
Travailler plus longtemps, soit, mais pour quoi faire ?
Là est la vraie question et personne n’y répond vraiment à part pour nous dire que cette réforme est un plan de sauvetage de… la retraite.
Je ne suis pas économiste, pas démographe, pas politique, pas spécialement décroissante, mais j’observe. C’était mon métier d’observer le monde et de le raconter. Et la journaliste que je suis toujours même si je n’ai plus ni employeur ni carte de presse ne peut que s’interroger sur les incohérences des discours, le mentir vrai de nos dirigeants, les zones d’ombre et les vices cachés de ce projet. Nous ne pouvons nous contenter d’une réforme purement financière. Ce moment important de notre histoire individuelle et collective devrait aussi être celui d’une réflexion de fond sur le type de société que nous voulons construire pour nous et nos enfants car la course à la productivité est une mauvaise réponse à une vraie question. Il faudra aussi s’interroger sur l’employabilité des seniors en France, une des plus faibles d’Europe et mettre un terme à ce vilain penchant des entreprises françaises à vouloir toujours se débarrasser des plus vieux de leurs salariés. Entendre aussi ceux qui son fatigués, désabusés, usés, dépités, découragés par une vie de labeur et aspirent légitimement au repos et à une nouvelle existence. Pour certains, deux ans de plus ce sera deux ans de trop. Qui les écoute ?
Nous ne sommes pas sur terre que pour faire tourner les usines et enrichir une poignée de gens au prix de notre santé, de notre bien-être et de notre longévité. Cette réforme, pour indispensable qu’elle soit devrait être l’occasion d’écrire un nouveau contrat social.
On s’y colle ?
A lire : Dans le journal Le Monde : Ces quinquagénaires qui n'arrivent pas à s'imaginer travailler jusqu'à 64 ans "Être une femme périmée, tu sais c'est pas si facile" de Delphine Apiou chez Denoël Un livre qui tombe à pic. Le récit aigre-drôle "d'une femme de plus de 50 ans, qui n'a plus de travail et qui en cherche, qui n'a plus d'amoureux, mais qui en veut bien un. " Tôt ou tard, nous sommes/serons toutes confrontées à cet âge qui marque un tournant décisif dans la vie des femmes, la cinquantaine. Plus b*isables, plus employables, invisiblisées pour l'éternité. C'est son parcours que Delphine Apiou nous raconte. Un livre à mettre d'urgence dans les mains des plus jeunes pour bien les préparer à ce qui les attend.
A voir : Les jeunes amants de Claire Tardieu, en ce moment sur Canal + Une histoire d'amour impossible entre une femme de 70 ans et un quadragénaire. Impossible ?
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Catherine trop heureuse de vous lire oui travailler jusqu'à 64 ans encore effectivement faut il avoir un employeur mais de mon avis de non spécialiste les gens auront du mal a avoir l ensemble de leur trimestre Étude arrivée tardive sur le marché du travail période de chômage conclusion une façon déguisée de baisser les pensions de retraite ? Bon cela n engage que moi